الديوان

La poésie d'Ibn Rašīq est parvenue, de son vivant, à la notoriété et a gagné la Sicile et l'Andalousie. Ses poèmes d’amour sont cités dans des ouvrages tardifs tel que Tazyīn al-Aswāq fī Aẖbār al ʿUššāq (Ornement des marchés : Histoires des amoureux) de Dāwūd al-Anṭākī. Ibn Rašīq était poète de cour sous le règne d'al-Muʿizz Ibn Badīs. Ainsi, on retrouve dans ce qui nous est parvenu de sa poésie un aperçu de la vie dans cette cour, telle que la description du cadeau que le calife fatimide al-Ẓāhir li-Iʿzāz Dīn-Allāh a envoyé à Muʿizz. Ce cadeau incluait, entre autres, une girafe que notre poète a décrite dans plusieurs de ses textes. Le poème panégyrique dans lequel il décrit ce cadeau s'ouvre sur le vers suivant :

De munificences telles que la vôtre, chantent les poètes // D’exploits similaires aux vôtres, s'enorgueillissent les princes

On lui doit des descriptions exclusives de lieux et d'évènements qu’il a vus de ses propres yeux, tels que sa description du ḥammām, bain public, ou son évocation d'une invasion de sauterelles : « Je composais des vers depuis quelques années déjà ; nous étions sortis pour une prière de la pluie ; à notre retour, nous avons été envahis par une nuée de sauterelles qui a failli masquer la lumière du soleil ».

Alors que nous espérions des nuages prometteurs // une nuée de sauterelles s'est abattue sur nous.

La raison n'en est ni la pénurie, ni la parcimonie du Seigneur, // mais plutôt les péchés de l'homme

C'était quelqu'un de raffiné qui aimait les plaisirs de la vie. Il a composé des poèmes d'amour, notamment pour célébrer les amours masculines; mais aussi des poèmes sur le vin, des poèmes où il décrit les légumes, les fruits, les fleurs comme l'aubergine, l'orange, la banane, le cédrat, la pomme, les anémones et les violettes. Sa poésie n'était pas dépourvue d'humour ou de libertinage, thèmes que l'on retrouve dans son éloge d'Iblīs (Satan), dans le poème où il dénigre le croissant de lune annonciateur du ramadan ou dans cette évocation du moustique :

Seigneur ! Je suis incapable de repousser la nuisance // J’implore Ton aide contre ce nuisible gringalet.

Pourquoi, à moi, Tu envoies mille moustiques // alors qu'à Namrūd, Tu n’en as envoyé qu’un seul ? [Nimrod : personnage biblique, roi puissant qui serait mort à cause d’un moustique]

On lui doit une longue élégie dans laquelle il pleure la ville de Kairouan qui venait de subir l'assaut des tribus arabes :

En elle, moult seigneurs honorables // lumineux étaient leurs visages; exaltée leur foi

Le recueil manuscrit d'Ibn Rašiq -cité uniquement par Ibn H̱allikan (m. 681/1282) dans sa biographie d'Ibn Yaʿiš- a été perdu. Le premier à avoir collationné ses poèmes a été Ḥasan Ḥusnī ʿAbd al-Wahhāb dans le recueil intitulé Biṣāt al -ʿAqīq fī Ḥaḏārat al-Qayrawān wa-Šāʿiriha Ibn Rašīq [Le tapis de pierres précieuses : Kairouan, sa civilisation et son poète Ibn Rašīq]. Par la suite, ʿAbd-Al-Raḥmān Yāġī a de nouveau collationné, référencé et publié ces poèmes (Bayrūt, Dār al-Ṭaqāfa, s.d). Le recueil a été ensuite réorganisé et expliqué par Ṣalāh al-Dīn al-Hawārī et Hudā ʿŪda (Bayrūt: Dār al-Jīl, 1996), sans fournir de référence ou des textes supplémentaires. Il a été de nouveau publié par Muḥyī al-Dīne Dīb (Bayrūt : Al-Maktaba al-ʿAṣriyya, 1998) qui y a inclus un supplément à l'édition de ʿAbd-Al-Raḥmān Yāġī, comportant vingt-cinq poèmes et extraits de poèmes, outre quelques vers isolés.