ديوان الأشياخ

Dīwān al-Ašyāẖ [le Registre des Šayẖs] a été rédigé par sept clercs ibāḍītes wahbī (ainsi nommés d'après Abdallāh Ibn Wahb al-Rassībī) après s'être réunis dans la grotte d'Amaǧmāǧ dans l'île de Djerba, entre la fin du 4^e s. et le début du 5e s.H. (respectivement X^e et XI^e s. de notre ère). Dans son livre sur l'histoire de Djerba et de ses écoles théologiques, le Šayẖ Sālem Ibn Yaʿqūb décrit ainsi cet ouvrage collectif : « Les clercs ibāḍītes ['Azzāba] de Djerba et de Nafūssa ont compilé une encyclopédie de jurisprudence islamique (fiqh) traitant de questions liées aux ibādāt (culte), aux mu'āmalāt (transactions) et aux ahkām (dispositions relatives au statut juridique des actions) connue sous le nom de Registre des Šayẖs, en référence à ses auteurs ; elle est également appelée Registre des 'Azzāba. Le Šaykẖs Sālem soutient que les sources ibāḍītes indiquent que « c'est Abū Imrān Mūssa Ibn Zakariyyā al-Mazūttī al-Dimmirī qui a été l'initiateur de cet ouvrage ; c'est lui qui en a rédigé les différentes parties ; c'est pourquoi il lui a été attribué ». (p. 107)

La grotte d'Amaǧmāǧ est située au nord de la mosquée Ibn Bayān dans le quartier Wād Zebīb, à l'ouest de Hāra Sġīra dans l'île de Djerba, en Tunisie. Il s'agit d'une mosquée souterraine, creusée dans la roche. En langue berbère, le mot Amaǧmāǧ, ou Maqmāq, désigne un groupe de personnes regroupées comme pour former un seul individu. Le mot suggère également les notions d'assemblée et de regroupement autour de quelque chose. Le Registre des Šayẖs, qui a été composé dans cette mosquée, est considéré comme le plus grand ouvrage encyclopédique collectif de jurisprudence islamique (fiqh), donnant une image exhaustive de la vision ibāḍite sur les questions couvertes par la religion islamique. C'est la raison pour laquelle ils ont consacré des chapitres distincts à diverses questions comme les baux, les ahkām, l'achat et la vente, les rites funéraires, les droits des parents, les dīyat (prix du sang), les hypothèques, la zakāt (aumône légale) et la tahāra (purification).

Ils ont aussi consacré des chapitres aux questions liées à la menstruation, à la prière, au jeûne, aux garanties, au partage des biens, à la prise en charge des parents et des époux, au mariage et au divorce, aux testaments, à l'abattage des animaux, aux hypothèques et aux baux. Cependant, selon d'anciennes sources ibāḍites, Dīwān al-Ašyāẖ est en réalité deux registres distincts : l'un, en douze volumes, a été composé dans la grotte d'Amaǧmāǧ dans l'île de Djerba, en Tunisie, et l'autre a été composé à Wādī Arīġ dans le sud-est de l'Algérie et se compose de vingt-cinq volumes. Les deux registres ont en commun les points suivants : ils ont été composés à la même période, au 5^e s. H.-XI^e s. de notre ère, et tous deux traitent de la jurisprudence islamique (fiqh). Afin d’éviter toute confusion due à ces similitudes, les copistes et les érudits les ont distingués en appelant l'un Diwān Al-Ašyāẖ et l'autre Diwân Al-'Azzâba, en référence à leurs auteurs différents. Al-Barrādī, auteur d'Al-ǧawāhir al-Muntaqāt (vivant en 810/1407), nous apprend que, parmi les livres qu’il a consultés ou dont il a vu une copie de ses propres yeux, figure « le Livre Dīwān Al-Ašyāẖ, je veux dire le Dīwān, en six petits volumes et trois grands ».

Dans un poème (mukhammas) composé par Abū Said Ibn Ayyūb Al-Bārūni An-nafūssi vers le milieu du 11/17^e s. de notre ère, il est fait mention de la grotte et du Dīwān Al-Ašyāẖ :

Demandez à la grotte s'il reste un savant qui rédige sur les sept Šayẖs qui se sont assemblés ; demandez s'ils ont une postérité méritante ou s'ils se sont éteints et ne subsistent que les écrits, fruit de ce qu’ils ont entrepris ; ce qu'ils ont rédigé englobe la somme de tous les savoirs.