نُور الطَّرْف ونَوْر الظَّرف

Cet ouvrage est également connu sous le titre du Livre des deux Nûr (la lumière et les fleurs), et ce conformément à la tradition arabe de concision. C’est sous ce titre que Yāqūt le cite à plusieurs reprises dans son Muʿǧam al-udabāʾ[Dictionnaire des lettrés] (pp. 160, 1588, 2013, 2506) et Al-Ṣafadī dans son Al-Wāfī bil Wafiyyāt [Dictionnaire biographique] (3/160). Dans l’introduction de son ouvrage, Al-Huṣrī s’adresse à une personne qu’il ne nomme pas et qui lui a envoyé une lettre lui demandant de composer un « livre agréable » fait de morceaux choisis. Dans la conclusion, il revient à ce solliciteur pour lui prodiguer éloges et prières, dans un style qui nous rappelle le dialogue des deux protagonistes du livre Al-Maṣūnfīsirri al-Hawā al-Maknūn [Du secret d’amour enfoui dans le cœur]. Dans son introduction, Al-Huṣrī dit aussi qu’il a fait en sorte que ce livre soit un condensé de son premier livre, Zahr al-Ādāb wa Amr al-Albāb [Florilège littéraire et fruits de la sagesse]. Toutefois, la comparaison entre les deux ouvrages ne fait pas du second une simple copie abrégée du premier car la partie condensée constitue à peine un peu plus du tiers comme l’a montré la responsable de l’édition critique de l’ouvrage, alors que le reste de l’ouvrage est composé d’éléments nouveaux et différents.

Malgré cela, le Livre des deux Nūr peut être considéré à plus d’un titre comme étant la continuation de Zahr al-Ādāb. Primo, il reprend quelques-uns des récits et poèmes qui y figurent, conformément aux exigences du contexte et à la règle de l’istitrād [digression], à laquelle obéissait jadis la composition littéraire. Secundo, Il lui ressemble en ce sens qu’il obéit à la même politique de sélection que Ibrahīm al-Huṣrī a pratiquée assidûment dans ses écrits, et qui consiste à glaner dans le répertoire littéraire ancien ce qu’il considère comme étant les meilleurs récits et les poésies les plus agréables, en faisant abstraction des chaînes de transmission. Tertio, comme le premier ouvrage, le second entend stimuler et affiner le tempérament du lecteur en lui ouvrant l’accès à « des extraits littéraires semblables à des paillettes d’or, des pépites éparses, des chefs d’œuvre de la poésie. Quarto, il est fidèle à la littérature contemporaine dont il cite des extraits verbatim, à telle enseigne que l’expression « c’est là une expression de notre temps » est devenue l’apanage de son style et constitue, en quelque sorte, la devise qui le distingue des autres lettrés. Tous ces éléments font que le livre des deux Nūr appartient à la littérature encyclopédique qui n’atteint pas les objectifs assignés par le truchement de concepts, de définitions et d’une terminologie spécifique, mais y parvient par la littérature elle-même et en abreuvant le lecteur de son contenu, définissant ainsi sa manière d’écrire : « J’ai donc éparpillé ce que j’ai écrit sans l’organiser en chapitres et j’ai rassemblé mes compositions sans les ordonner ; ce qui les rend plus à même de te stimuler et plus aptes à te plaire. »

Quant au contenu littéraire que Al-Huṣrī reprend dans son livre, il le tire essentiellement du Machreq et le puise dans les ouvrages d’Al-Ǧāhiẓ, Al-Aṣfahānī et Al-Ṯaʿālibī ; il sélectionneaussi des morceaux choisis dans les œuvres de lettrés et poètes de son temps tels que Al-Hamaḏānī, Al-H̱awārizmī, Ibn Al-Muʿtazz, Abū Firās, Ibn Al-Rūmī. D’ailleurs, l’auteur ne dissimule nullement son admiration pour les contemporains et pour ceux d’entre eux qui ne sont pas arabes de souche. De même, on retrouve dans le livre quelques vers de poètes de l’Ifriqiyya tels que Al-Iyyādī, Ibn Hānī, Al-Nahšalī et Ibn Šaraf.